La Littérature et le Pouvoir au XVIIéme siècle

Censure, Mécénat et Académies

[ Ç Littérature]

 
4Sa vie

4Ses Oeuvres

   - Les sources de Tite-Live

   - Composition de l'œuvre

4Sa philosophie
4Les sources

Introduction

L’historien le plus fécond, celui dont l’œuvre conservée est la plus considérable, Tite-Live est aussi celui qui a fixé pour des siècles l’image de la Rome primitive puis républicaine et qui a résumez en une synthèse puissante l’œuvre des historiens romains qui l’avaient précédé et dont le lent travail est difficilement saisissable, puisque l’on ne possède plus que des fragments de leurs écrits. Contemporain d’Auguste (empereur, né à Rome en 63 av J.-C.) témoin de la formation de l’empire, il contribua à redonner à ses contemporains le sentiment de la grandeur romaine, que les guerres civiles pouvaient faire oublier.

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Sa vie

Malgré ces informations dont nous disposons, sa vie nous est mal connue. Tite-Live, de son nom latin Titus Livius est un italien du Nord. Il naquit à Padoue en 64 ou 59 av. J.-C., d’une famille de bonne condition. Il vint à Rome dans son adolescence pour y recevoir l’enseignement des rhéteurs et des philosophes. Il se refusa à suivre une carrière politique, peut-être en raison des temps troublés que Rome traversait alors. Jouissant d’une totale indépendance, il s’adonna à l’étude. On sait par Sénèque qu’il composa un grand nombre de dialogues, où s’unissaient philosophie et histoire, ainsi que des traités philosophiques aujourd'hui perdus, mais s'adonna surtout à l'histoire. Malgré ses convictions républicaines, il fut aidé et reçu même dans son intimité par la famille impériale. L'empereur Auguste avait compris très tôt que cette évocation des hauts faits de l'ancienne Rome pouvait servir son prestige et son pouvoir. Après la mort d'Auguste (14 ap. J.-C.), Tite-Live quitta Rome et revint à Padoue. Son Histoire de Rome (Ab Urbe condita libri) devait aller de la fondation de la ville (754 av. J.-C.) à la mort d'Auguste, et comporter 150 livres. Tite-Live commença son travail dès 27 av. J.-C., mais ne put l'achever (son récit s'interrompt à la mort de Drusus en 9 av. J.-C.). Sur les 142 livres qu'il a effectivement composés, nous n'avons conservé que les dix premiers, ou première décade (qui vont des origines à la troisième guerre samnite), les livres XXI à XLV (qui traitent de la seconde guerre punique et de l'annexion de la Macédoine) et quelques fragments.

Pendant toute la fin de l'Antiquité et jusqu'aux temps modernes (voir le Discours sur la première décade de Tite-Live par Machiavel), il restera un des grands modèles, avec Plutarque, d'une histoire davantage tournée vers l'édification morale que vers l'analyse du changement.

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Ses Œuvres

  Les sources de Tite-Live

Pour écrire l’histoire de quelques sept cents ans, Tite-Live devait évidemment recourir à des sources de natures différentes, selon les temps considérés. Pour les événements les plus récents, il disposait de témoignages oraux (outre ceux dont il avait pu être lui-même le témoin), de Mémoires et chroniques diverses ainsi pour les guerres civiles il utilisa l’œuvre d’Asinius Pollion, qui avait été le compagnon et dans une certaine mesure l’historiographe de César (il était présent au passage du Rubicon), il pratiqua aussi la correspondance de Cicéron et toute la littérature de pamphlets et de panégyriques qui était issus de querelles autour de personnages comme Caton. Pour la période antérieure, il utilisa aussi des Mémoires (comme celles du dictateur Sulla) et des ouvrages composés par des témoins oculaires, grands personnages mêlés à la vie politique et qui avaient de telle ou telle période qu’ils connaissaient bien. Mais plus on remontait dans le temps, plus les difficultés augmentaient. L’histoire n’avait commencé d’être écrite, à Rome, qu’à la fin du troisième siècle avant J.-C., avec l’œuvre (rédigée en grec) de Fabius Pictor. Pour les siècles antérieurs, les documents se faisaient de plus en plus pauvres ; il fallait se fier, en partie, à des historiens grecs comme Polybe qui vivait à Rome vers 160 avant J.-C. mais avait écrit l’histoire des siècles qui l’avaient précédé, en replaçant les évènements romains dans le cadre, plus général, du monde méditerranéen et de l’histoire hellénistique. Polybe sert à Tite-Live de source principale pour les guerres puniques et la période suivante. Mais, pour remonter plus haut, il fallait bien recourir aux historiens latins, qui s’étaient intéressés plus directement à l’histoire du peuple romain, et, dans l’histoire qu’ils avaient reconstituée, les incertitudes étaient grandes. Ces historiens, et Fabius Pictor le premier, avaient exécuté un grand travail de reconstitution, en partant tantôt de traditions orales voire de poèmes populaires exaltant les vertus des héros du passé, tantôt de documents officiels, ce que l’on appelait les annales des pontifes (annales pontificum ou annales maximi), qui mentionnaient, en principe au jour le jour, ce qui s’était passé dans la cité. Malheureusement, en 390 (lors de l’invasion gauloise), un incendie avait détruit les archives. D’autres archives, de caractère aussi religieux, s’ajoutaient aux annales, mais tout cela ne formait pas une histoire cohérente.

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  Composition de l’œuvre

Utilisant cette masse de sources, Tite-Live parvint à écrire une histoire suivie de Rome. Il en divisa les cent quarante-deux livres en « décades », ou groupes de dix livres.

La division en décades ne répond pas à la structure chronologique de l’œuvre, un nombre variable de livres couvre chaque période (cf. tableau). On peut penser que ces décades sont une division purement matérielle, en tomes, lorsque les volumina (rouleaux) primitifs furent transcrits dans une suite de codices (livres reliés), cinq ou dix rouleaux formant un codex .

De tous ces livres, nous n'en possédons que quelques uns : la première décade, la troisième et la moitié de la quatrième. Pour le reste, il existe des résumés (patiochae) et des auteurs tardifs ont tiré de Tite-Live des extraits qui nous ont été conservés (par exemple Julius Obsequens, Livres des prodiges), mais ces misérables restes ne compensent pas la perte de la plus grande partie de cette œuvre, qui reste la principale source pour la connaissance de l’histoire romaine.

Tite-Live s’inspire aussi de Cicéron qui avait regretté que l’on n'eût pas écrit, de son temps, une histoire de Rome. Il veut composer ses récits à la manière d’une narratio oratoire et, surtout, être clair, même au prix d’une certaine verbosité, que les anciens lui ont parfois reprochée.

Tite-Live croit fermement que se sont les hommes qui font l’histoire. Aussi, fait-il le portrait de ceux qui jouent un rôle prépondérant dans les évènements. Au début du livre XXI, lorsque va commencer la deuxième guerre punique, il décrit Hannibal, physiquement et moralement, cherchant dans le caractère du personnage l’explication de ses actes futurs. De la même façon, la conclusion de la deuxième guerre punique lui apparaît dans la bataille de Zama, qui mit face à face Hannibal et Scipion, et la victoire, croit-il, appartient au meilleur des deux chefs, à celui qui possédait la plus grande valeur morale.

Une conséquence, encore, de cette conception, est le grand nombre de discours que l’on trouve dans son œuvre. Ces discours, reconstruits, parfois imaginés de toutes pièces, traduisent l’idée que l’historien se fait des hommes dont il est censé rapporter des paroles. 

Tite-Live ne serait pas romain s’il n’avait, aussi, le sens des foules, des groupes humains. Le sénat, le peuple, vivent et agissent sous nos yeux. Tite-Live analyse leurs sentiments, leurs réactions comme il le fait pour des personnages isolés. Chez lui le peuple a un caractère bien défini, qu’il croit retrouvé, toujours le même, à toutes les époques : épris des libertés mais respectueux de l’ordre établi scrupuleux à l’égard des biens d’autrui (les sécessions de la plèbe ne s’accompagnent ni de pillages ni de violence) et dans l’exécution des devoirs envers les dieux. De la même façon, le sénat, au moins pour la période dont traite l’œuvre conservée, est formé d’hommes qui mettent par-dessus tout le bien de l’Etat, sont désintéressés, mais jaloux de leurs prérogatives, orgueilleux et impitoyable dans l’exécution des lois. C’est par la pratique des grandes vertus chères aux Romains : la loyauté (fides), la justice, à l’intérieur comme envers les autres peuples, le respect des rites (ceux qui les négligent mènent les armées à la défaite) et des règles du droit, public et privé, que Tite-Live explique la grandeur de Rome et sa réussite. Personnellement assez sceptique à l’égard des fables et des mythes de la religion officielle, il ne méconnaît pas la force que celle-ci représente, et l’on dit qu’il aida Auguste en l’incitant à restaurer les anciens sanctuaires.

Souvent, depuis le XVIIIème siècle, objet de la critique des historiens, Tite-Live, aujourd’hui, apparaît comme assez exact, à la lumière des découvertes archéologiques, même sur des points aussi incertains que les premiers temps de Rome, et les excès de l’hyper critique sont corrigés, permettant de lire sans arrière-pensée une œuvre qui contribue à nous donner la conscience de ce que fut, réellement, la grandeur de Rome.

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Sa philosophie

Le climat politique et idéologique de la fin du premier siècle avant l'ère chrétienne n'est pas étranger à cette conception d'une Histoire générale de Rome que Tite-Live a su développer. Au moment du passage délicat de la République à l'Empire, il s'agit non seulement, comme on l'a souvent écrit, d'élever «un monument à la gloire de Rome», mais surtout de rappeler l'ancienneté et la continuité sans faille de l'histoire de la ville. Tandis que l'empereur restaure les anciens temples, que les poètes comme Virgile ou Horace évoquent les anciennes vertus des peuples du Latium, l'historien exalte l'antiquité de la grandeur romaine. L'histoire, selon Tite-Live, édifie plus qu'elle n'explique. Elle n'est pas objective, même si la probité de l'historien n'est pas en cause. Elle idéalise les grands hommes et reste pleine de préventions à l'égard des démocrates, qui offrent un exemple trop dangereux.

Tite-Live s’interroge sur la nécessité d’écrire une histoire de Rome, il n’est pas le premier à le faire après tout ; il affirme qu’il est de son devoir de contribuer à sauver de l’oubli le passé de la « première nation du monde ». Il est conscient de la tâche immense qui l’attend. Il souligne que les premiers livres intéresseront sûrement moins ses contemporains que les suivants. Il est conscient que les mythes sont nombreux aux origines de Rome. Il veut mettre un accent particulier sur l’aspect social et moral, sur les individus, sur les moyens civils et militaires qui ont permis l’émergence d’une telle nation. Il fait l’éloge de la Rome d’antan « aucune cité n’a accueilli aussi tardivement la cupidité et le vice ». Il fait des reproches à ses contemporains, trop amoureux de l’argent.

On reproche souvent à Tite-Live de recourir aux annalistes qui l'ont précédé (Valerius Antias, Claudius Quadrigarius, Fabius Pictor, Caelius Antipater, Polybe), sans les critiquer. Mais son but était de dresser une fresque moralisatrice, et non d'établir exactement des faits. On fait aussi grief à son classicisme d'avoir édulcoré les textes légendaires ou religieux de la Rome primitive. C'est oublier que les Latins de l'époque augustéenne étaient incapables de comprendre les rites et les coutumes des temps archaïques. En revanche, son récit est souvent très vivant, pittoresque, coloré. La composition générale de son ouvrage, alternant avec soin les récits d'actes héroïques et les discours fictifs à la manière des historiens grecs, son style riche, régulier et majestueux (parfois très proche de la période cicéronienne) montrent à l'évidence que Tite-Live voulait, avant tout, faire une «œuvre oratoire». Son admiration pour Démosthène et Cicéron éclaire sa conception de l'histoire en tant que genre littéraire; comme l'orateur, l'historien doit toucher par son éloquence dramatique.

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Les sources

  • L'Encyclopédia Universalis

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