Une histoire des représentations de l'univers de Thalès à Newton
Partie 3 : L'Héliocentrisme "Toute science a pour point de départ un scepticisme contre lequel s'élève la foi" André Gide in Journal, 1889-1939.
C'est peut-être cette phrase de André Gide qui caractérise le plus la construction des théories héliocentriques : une lutte "sans merci" entre d'un côté des scientifiques, non spécifiquement animés par le doute sur l'existence de Dieu mais plutôt stimulés par le souci de connaître, et de l'autre les défenseurs de la Foi conduits par le seul désir de ne pas remette en cause les fondements de la religion. Cette période particulièrement riche en découvertes scientifiques le sera tout autant en conflits entre certains hommes de science et l'institution religieuse. Si l'on doit principalement à Nicolas Copernic, Johannes Kepler et Galileo Galilei (Galilée), la découverte de la rotation de la Terre autour du Soleil (révolution qui annoncera la fin du statut de centre de l'Univers qu'occupait la Terre, la cosmologie moderne ne reconnaissant pas de centre à l'Univers), Aristarque de Samos (-310 – -230) astronome et mathématicien grec fut le premier à avoir avancé l'idée d'un système solaire héliocentrique. Dès le IIIe siècle avant notre ère donc, il affirmait déjà que le Soleil était au centre de l'Univers et que tous les astres errants, à l'exception de la Lune, tournaient autour du Soleil. De plus il suggéra que la Terre tournait sur elle-même. Mais il était trop en avance sur son temps, montrant par là-même la difficulté de la séparation entre les opinions communes d'un côté et la démarche scientifique de l'autre. Bien que Pythagore (-570 – -500) suivant en cela Thalès (-624 – -548) l'eût déjà envisagé, ce n'était alors que des convictions, remarquables certes, mais cependant improuvées. Aristarque de Samos se basa, quant à lui sur les dimensions et les distances du Soleil et de la Lune (titre de l'un de ses ouvrages d'ailleurs), mesures qu'il effectua lors d'éclipses de Lune et de Soleil. Il évalua que le Soleil était 19 fois plus gros que la Terre ce qui l'amena tout naturellement à l'installer au centre du système solaire, l'autre système étant peu raisonnable; il lui semblait en effet évident qu'un corps petit tourne autour d'un plus gros et non l'inverse. De plus, il conclut que la Terre était de 2 à 4 fois plus grosse que la Lune. En outre, son hypothèse sur la rotation de la Terre sur son axe et autour du soleil expliquait le mouvement quotidien et annuel du ciel pendant la nuit. Il émettait également la proposition suivante : lorsque la Terre tourne autour du Soleil, la position apparente des étoiles devrait varier légèrement. C'est ce qu'on appelle le phénomène de parallaxe. Si sa théorie de l'héliocentrisme a souvent été rejetée en raison de l'hérésie qu'elle représentait pour les aristotéliciens, cette dernière hypothèse lui a sans doute nui aussi. Bien qu'ayant deviné que c'était en raison de l'éloignement des étoiles que ce phénomène était imperceptible ou presque à l'œil nu (il faut 6 mois pour voir un changement), l'impossible vérification de la parallaxe a défavorisé la thèse de son auteur. Elle ne sera finalement mesurée qu'au XIXe siècle et allait devenir la preuve irréfutable du modèle héliocentrique, bien qu'il soit à cette époque largement accepté. Mais si le principe de la parallaxe a été l'un des facteurs dévalorisant le système d'Aristarque, le principal argument utilisé pour tenter d'infirmer l'héliocentrisme était qu'il était impossible de concevoir que la Terre était en mouvement alors qu'on ne le sent pas.
Remarques sur l'intuition : Se jouait ici, avec Aristarque de Samos, à des siècles de nos interrogations actuelles, la partition très contemporaine de l'intuition : l'intuition est-elle ou non support de la science ? Il serait vain de nier l'importance de l'intuition dans le développement des connaissances : l'intuition de l'ignorance, en quelque sorte, l'intuition que là, dans ce petit interstice de la connaissance, il y a quelque chose que nous ne connaissons pas encore. Il est pourtant tout aussi fallacieux d'affirmer que l'intuition fait la science. Encore faut-il ensuite recourir à une méthode rigoureuse, aux principes de réfutabilité notamment. Sans cela l'intuition ne risque d'être qu'une idéologie. Nicolas de Cues (1401 – 1464) théologien, mathématicien, philosophe, astronome et cardinal renommé, tenta de réfuter cet argument avec l'analogie du bateau. Ainsi il écrit : "Des passagers enfermés dans la cale d'un bateau sans hublots qui se déplace toujours à la même vitesse sur une mer calme ne sentiraient pas ce mouvement". S'opposant à la représentation aristotélicienne de l'Univers, Nicolas de Cues opérait dans La Docte ignorance (1440) une véritable révolution astronomique, annonçant aussi bien l'héliocentrisme de Copernic, repris par Galilée et Kepler, que les intuitions de Giordano Bruno. Il proposa en effet que l'Univers était infini et ne possédait pas de centre, et affirma qu'un observateur, de quelque lieu qu'il fût, se penserait immobile au centre de l'univers. "La Terre est une étoile parmi tant d'autres, ce n'est pas le centre de l'Univers, elle n'est pas au repos. Les orbites ne sont pas circulaires. La différence entre la théorie et l'apparence provient du milieu relatif". (La Docte ignorance) L'héliocentrisme ne fut réellement repris qu'en 1543 avec la publication de l'ouvrage De Revolutionibus orbium caelestium (De la Révolution des sphères célestes) de l'astronome polonais Nicolas Copernic (1473 – 1543), juste avant sa mort. Selon ce savant, il était plus logique que le Soleil, gros et lumineux, soit placé au centre de l'Univers. Il reprenait donc la théorie d'Aristarque. Nicolas Copernic ne possédait aucune preuve directe selon laquelle les planètes étaient en orbite autour du soleil, mais sa théorie avait l'avantage d'expliquer de façon empirique le mouvement des planètes. Cependant, bien que guère plus précise que celle de Ptolémée, elle était en accord avec les observations. La théorie copernicienne conserve néanmoins plusieurs éléments du système qu'elle tente de remettre en cause dont les sphères solides portant les planètes et la sphère la plus éloignée portant les étoiles fixes. L'univers de Nicolas Copernic était donc fini en taille, héliocentrique et basé sur des objets mathématiques parfaits. La publication de De Revolutionibus orbium caelestium ne se fit pas sans discussion. En effet, l'Église divulguait à cette époque un enseignement basé sur le modèle de Ptolémée : la Terre était unique et se devait d'occuper une place centrale dans l'Univers. L'Église, déjà menacée par le protestantisme, avait instauré le tribunal de l'Inquisition, tribunal dont le but était tout simplement de condamner les hérétiques. Était alors considéré comme hérétique toute personne contredisant la théorie alors enseignée. C'est pourquoi les défenseurs de la théorie de Copernic se firent discrets, de peur de subir le même sort que Giordano Bruno, c'est-à-dire brûlé vif.
À propos de l'Inquisition : L'inquisition (mot d'origine latine inquisitio qui signifie recherche, enquête) résulte de la lutte par un tribunal ecclésiastique (tout au moins au début) contre toutes les hérésies. Elle est synonyme d'intolérance, de persécutions et de cruauté. C'est le pape Grégoire IX qui instaure l'Inquisition en 1231 afin de lutter contre les hérésies cathares et vaudoises. L'Inquisition est à son apogée au XIIIe siècle et se poursuivit encore après avec la persécution des spirituels, des devins, des sorciers et des blasphémateurs mais aussi des scientifiques.L'extension de la Réforme redonne toute sa force à l'Inquisition. En 1542, est créée La Sacrée Congrégation de l'Inquisition romaine et universelle, unification des tribunaux inquisitoriaux existant alors. Cette institution désormais connue sous le nom de Congrégation pour la doctrine de la foi a été réformée par Paul VI à la suite de vives critiques jugeant alors les méthodes suivies par le Saint-Office autoritaires voire inquisitoriales (1965). La Congrégation de l'Index, destinée à contrôler les écrits, est créée en 1571.La thèse de Nicolas de Cues sera reformulée un siècle plus tard par Giordano Bruno (1548 – 1600). Ce frère, dominicain à l'origine, génie éclectique (cf. incise), philosophe audacieux et scientifique précurseur, dissimule un esprit rebelle qui lui vaudra de nombreuses excommunions (catholique, calviniste, luthérienne…). En 1584, paraissent quatre ouvrages majeurs : – La Cène des cendres; – La Cause, Le Principe et l'un; – De l'infini, l'univers et les mondes. Ces ouvrages exposent notamment une vision cosmographique audacieuse, révolutionnaire, presque visionnaire. Il détruit la vieille conception toujours prédominante du géocentrisme, et soutient la représentation copernicienne du monde, tout en la dépassant.
L'éclectisme : Théorie instaurée par Potamon d'Alexandrie, qui prône de choisir les meilleures thèses des différentes théories et de les concilier plutôt que de bâtir un nouveau système.
Giordano Bruno, devant l'Inquisiteur, se présente comme philosophe. Sa pensée le conduit à considérer que les expériences sensibles (tout ce qui est de l'ordre de la perception) doivent être soumises au jugement de l'intellect. "C’est à l’intellect (intelletto) qu’il appartient de juger et de rendre compte des choses que le temps et l’espace éloignent de nous." (…) Nos sens produisent "l’apparence d’un horizon fini, apparence d’ailleurs toujours changeante." Cette expérience d'un horizon limité par nos sens (I.e. par notre perception directe des choses) mais changeant par nos propres déplacements est bien mise en évidence dans De immenso et innumerabilibus (1591) quand Giordano Bruno relate un souvenir d'enfance : "Je croyais qu’il n’y avait plus rien au-delà du Vésuve, car il m’était impossible d’apercevoir quelque chose par-delà." Version classique de la formule moderne de Gaston Bachelard sur l'opinion récusant du même coup toute relation entre connaissance scientifique et connaissance première : "L'opinion pense mal; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. (…) On ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut d'abord la détruire". (Gaston Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique, p.14) Mais si la force de sa logique en fait un précurseur de Kepler et de l'astronomie moderne, Giordano Bruno reste ancré dans son époque, mêlant à ces intuitions des explications hermétiques, magiques et animistes. La vie anime des planètes soucieuses d'exposer leurs forces au soleil, la matière possède une âme sensible et rationnelle… En 1585, il publie de nouveaux ouvrages, dont La Cabale du cheval de Pégase, opuscule satirique qui démolit méthodiquement l'édifice aristotélicien et Les Fureurs héroïques qui préfigure l'idée d'un monde qui n'a plus de centre… et Dieu plus de lieu. Pour Giordano Bruno, l'Univers est infini, peuplé d'une multiplicité de mondes analogues au nôtre.
L'univers de Giordano Bruno. "Kepler propose en 1618 une illustration de la conception du monde de Giordano Bruno, selon laquelle le Soleil n'est qu'une étoile M parmi des milliers d'autres." Baruch J.O. & al., Ciel. Histoire et images de l'univers, Paris, Sélection du Reader's Digest, p.180.
En cela, il dépasse largement le système copernicien qui, malgré son intuition de l'incommensurabilité de la Terre par rapport au reste de l'Univers, reste ancré dans une certaine finitude de l'Univers et reste attaché aux modèles classiques d'Aristote de la sphéricité du monde. Pour Giordano Bruno, "il n'existe ni lieux privilégiés, ni directions, ni qualités absolues. Les couples d’opposés (haut/bas ; centre/périphérie ; droite/gauche ; repos/mouvement, etc.) deviennent soit arbitraires, soit relatifs à un système de référence déterminé, il n’existe ni lieux privilégiés, ni directions, ni qualités absolues. Les couples d’opposés (haut / bas; centre / périphérie; droite / gauche; repos / mouvement, etc.) deviennent soit arbitraires, soit relatifs à un système de référence déterminé." (Jean Seidengart, "Bruno (G.)" in Encyclopædia Universalis, CD Rom, 2004) Selon certains spécialistes, Giordano Bruno aurait même eu l'intuition du tableau de Mendeleïev (tableau de classification des éléments chimiques en fonction de leur poids atomique - 1869) et de la structure de l'atome. Arrêté le 23 mai 1592, Giordano Bruno est emprisonné 8 années durant, 8 années d'interrogations menées par le Cardinal Bellarmin, celui-là même qui mena le grand procès au cours duquel Galilée se rétracta, 8 années de torture. Au pape Clément VIII qui le sommera de se rétracter, il répliqua : "Je ne crains rien et je ne rétracte rien, il n'y a rien à rétracter et je ne sais pas ce que j'aurais à rétracter" (extrait de l'épître liminaire de L'Infini, l'univers et les mondes) Le 20 janvier 1600, le tribunal de l'Inquisition rend son verdict et Bruno l'aurait commenté ainsi : "Cette sentence, prononcée au nom du Dieu de la miséricorde, vous fait peut-être plus peur qu'à moi-même". Le 17 février 1600 sur le bûcher installé sur le Campo del fiori, à Rome, Giordano Bruno a peut-être tourné son regard vers le ciel, ce ciel qu'il décrivait infini et multiple… alors voilé par la fumée des flammes qui montent vers lui. "La condamnation pour hérésie de Bruno, indépendamment du jugement qu'on veuille porter sur la peine capitale qui lui fut imposée, se présente comme pleinement motivée", propos tenu par le Cardinal Poupard, responsable au Vatican du "pontificam consilium cultura" (à l'origine de la réhabilitation de Galilée) le 3 février 2000, qui confirme que Giordano Bruno ne sera pas réhabilité tout en déplorant l'usage fait de la force contre lui... Les premières preuves en faveur de l'héliocentrisme furent présentées par l'astronome italien Galileo Galilei (1564 – 1642). Ré-inventeur de la lunette astronomique (il ne l'a pas inventée mais l'a améliorée), il fit de nombreuses et diverses observations, la plupart étant en contradiction avec le modèle de Ptolémée, sans toutefois confirmer celui de Copernic. Il observa dans un premier temps le mouvement des quatre plus gros satellites de Jupiter et démontra que la Terre n'était pas le seul centre de mouvement dans l'Univers. Il retrouvait ici une intuition de Giordano Bruno : tout dépend du référentiel choisi. Ensuite, il observa le cycle complet des phases de Vénus. Il en déduisit que celle-ci se trouvait en orbite autour du Soleil et non de la Terre. Enfin, il observa la Lune et pût y voir le relief qu'on lui connaît aujourd'hui. Toutes ses observations indiquaient que la Lune était un corps de même nature que la Terre et donc aussi que la Terre n'était pas unique. Dans un premier temps, Galilée ne fit part de ses découvertes qu'à quelques amis intimes, de peur d'être accusé d'hérésie. Cependant, convaincu de la véracité de ses dires, il commença à répandre la thèse de l'héliocentrisme en 1613. Immédiatement il subit les foudres de l'Inquisition. En 1616, il fut contraint de ne plus défendre le modèle copernicien et de ne plus aborder ce sujet. Au moment où la sentence du Tribunal prononçait son sévère jugement, Galilée qui du abjurer ses théories, aurait dit : " Et pourtant, elle tourne" en parlant de la Terre. L'interdiction de discuter de la validité de l'enseignement de l'Église ne fut pas levée malgré l'affirmation de l'allégeance de Galilée à celle-ci en forçant ses deux filles à devenir religieuses et malgré sa tentative de démonstration de la non-contradiction entre l'héliocentrisme et la Bible. Galilée, bien qu'ayant débuté la rédaction de son œuvre la plus importante Dialogue sur les deux plus grands systèmes du monde en 1624, ne put la publier qu'en 1632 lorsqu'un de ses amis personnels devint le pape Urbain VIII. Malgré une dédicace au pape et une longue préface sur sa dévotion pour l'Église, la publication de cet ouvrage dans lequel il démontre la supériorité de du modèle copernicien lui vaut d'être accusé en 1633 d'avoir violé l'édit de 1616. Il fut alors condamné à passer le reste de sa vie en résidence surveillée sans qu'il renonce pour autant à ses travaux. Il mourut 9 ans plus tard. Le 31 octobre 1992, seulement, Galilée fut réhabilité par le pape Jean-Paul II malgré une déclaration par le pape Benoît XIV de la recevabilité de l'héliocentrisme en 1757.
Par ces jugements successifs, et notamment la condamnation au bûcher de Giordano Bruno puis la mise à l'index de Galilée, c'est la suprématie de la théologie sur toute autre science qui est affirmée. La science moderne fondée sur l'expérimentation n'avait pas encore droit de cité, même si les œuvres de ces auteurs, notamment celles de Galilée, bénéficiaient d'une large diffusion dans le monde. Ce n'est pourtant que très tardivement que le monde a reconnu ses dettes envers ces hommes de science convaincus d'hérésie ou condamnés à vivre misérablement pour nombre d'entre eux. Cette période pré-moderne a donné. le jour à de nombreux scientifiques particulièrement novateurs, en dehors de ceux sus-nommés, comme Tycho Brahé (1546 – 1601) et Johannes Kepler (1571 – 1630), ce dernier profitant des parfaites observations de Tycho Brahé. En 1572, le roi danois Frédéric II, admirateur inconditionnel de ce dernier, lui fit construire un observatoire sur l'île de Hreen. Il y mena, 20 ans durant, de nombreuses observations à l'œil nu d'une précision inégalée. Premier observateur du monde moderne, Tycho Brahé, ne voulant pas rompre avec la tradition ptoléméenne, proposa un système mi-géocentrique, mi-héliocentrique. Selon ce système, le Soleil et la Lune tournent autour de la Terre et les autres planètes autour du Soleil. Alors que ces prédécesseurs situent avec peine une étoile à 1/2 degré d'angle près, il effectue ses mesures en minutes, comme le faisaient les astronomes arabes. Son travail effectué à l'aide d'instruments de sa fabrication dont il chercha toujours à corriger les imperfections, se résume en deux mots : précision et méticulosité. Ainsi en 1573, un ami attira son attention sur le ralentissement apparent de la course du Soleil au voisinage de l'horizon. Tycho Brahé interpréta correctement ce phénomène dû à la réfraction atmosphérique et en tint compte dans ses observations. Tycho Brahé, par sa découverte d'une Nova le 11 novembre 1572, la "Nova de Tycho Brahé", permit la remise en cause de la théorie aristotélicienne. En effet, l'astronome, après maintes observations, conclut à un phénomène se déroulant très loin de l'atmosphère. En 1577, Tycho Brahé compléta ses travaux par l'observation d'une comète qu'il situa à au moins six fois la distance Terre-Lune. Cet objet céleste se trouvait donc bien au-delà du monde sub-lunaire, ce qui lui permit de confirmer le caractère corruptible (I.e. décomposable) du ciel qu'il avait déjà observé avec la Nova. Il détruisit ainsi la notion d'orbes, sphères solides et transparentes sur lesquelles les astres étaient censés être fixés depuis Aristote. L'étude de la trajectoire de la comète montrait qu'elle ne pouvait être transportée par de tels orbes. Partiellement inspiré du modèle d'Héraclide du Pont, son système permettait de bien rendre compte de la réalité, tout en sauvegardant à la fois les Écritures (farouchement défendues par les Luthériens, religion officielle du royaume) et la physique d'Aristote, qu'il avait pourtant remise en cause. Héraclide du Pont (~388 - ~315) : Ce philosophe et astronome, disciple de Platon, propose un système semi- héliocentrique : deux planètes, Mercure et Vénus, tournent autour du Soleil, mais ce dernier tourne autour de la Terre, ainsi que la Lune, Mars, Jupiter et Saturne. Héraclide fut, par ailleurs, le premier à expliquer le mouvement apparent de la sphère des fixes par la rotation de la Terre sur elle-même. Johannes Kepler (1571 – 1630) était un scientifique moderne en même temps qu'un homme habité d'une pensée mystique. Vivant profondément enraciné dans une époque où l'astrologie, la sorcellerie, la magie, la numérologie sont des matières dignes d'intérêt, son apport scientifique n'en demeure pas moins considérable. Ses travaux ont en effet permis de jeter les fondements de l'optique, de l'astronomie et de certaines branches de la physique. La numérologie : Étude la personnalité et prévision de l'avenir d'un sujet basé sur l'analyse numérique de caractéristiques individuelles. D'une santé fragile, souffrant d'une myopie alliée à une vision multiple – handicap sérieux pour un astronome – Johannes Kepler eut une enfance difficile, marquée par la pauvreté d'une part et par une mère qui préférait nettement ses autres enfants d'autre part. Néanmoins, ce fut un élève brillant. Entré à 13 ans comme boursier à un séminaire, il réussit le baccalauréat en 1588 et devient étudiant en théologie à Tübingen, se marquant déjà par des vues originales et contraires à l'orthodoxie protestante (mettre une incise sur l'orthodoxie protestante). Il s'intéressa très tôt aux thèses coperniciennes en raison de considérations mystiques. En 1594, il fit deux prédictions : un hiver rude et l'invasion de l'Autriche par les Turcs. La réalisation de ces événements fit de lui un célèbre astrologue. En 1595, Johannes Kepler écrivit le Mysterium Cosmographicum, ou Le Secret du monde. Résumant ses idées – pensée magique, fascination pythagoricienne du nombre, Dieu géomètre –, ce livre répond à la question de Johannes Kepler : "pourquoi (les planètes) étaient ainsi et pas autrement, à savoir le nombre, la grandeur et le mouvement des orbes". Il élabora une théorie basée sur un emboîtement de polyèdres dont le but était de dévoiler le "plan" selon lequel Dieu avait bâti le Monde. Lorsque commença, dès 1599, avec l'avènement de Mattias (frère de Rodolphe II, empereur de la partie autrichienne de l'Empire des Habsbourg) au trône, une persécution des protestants de Styrie, notamment des professeurs qui furent expulsés des collèges, Johannes Kepler se rendit à l'invitation que lui avait faite Tycho Brahé de travailler pour lui. La répression alors en vigueur s'intégrait dans la vaste offensive catholique, la contre-réforme soutenue et inspirée par l'Espagne, qui s'abattit alors sur les "hérétiques" ainsi que sur les catholiques faibles ou conciliants. Les deux hommes ainsi unis avaient en commun une forte personnalité et un caractère irascible. Leurs contacts furent souvent orageux. Johannes Kepler dira de son ami : "Tycho est un homme dur avec qui il est impossible de vivre". Tycho Brahé confia à Johannes Kepler une tâche particulièrement difficile : l'élaboration d'une théorie des mouvements de la planète Mars, élaboration qui avait déjà fait renoncer plus d'un astronome. De toutes les planètes connues alors, elle était celle dont l'excentricité était la plus importante, celle qui s'écartait le plus du cercle. Ce travail fut pour Johannes Kepler une véritable aubaine, une "intervention de la Providence". Tycho Brahé dit à Johannes Kepler sur son lit de mort : "Faites en sorte que je n'aie pas vécu pour rien." Son ami le combla au moins sur ce point : les observations du savant lui servirent à abattre le système de Copernic et à édifier le sien (au détriment de celui de Tycho Brahé). C'est à cette période qu'intervient le procès intenté contre sa mère, accusée alors de sorcellerie. Heureusement, l'autorité et la renommée d'astrologue et d'astronome de Johannes Kepler lui assurèrent la clémence du Tribunal. C'est aussi durant ce laps de temps que Johannes Kepler publia deux œuvres capitales : en 1604, les Compliments à Vittelion, traitant d'optique et en 1609, L'astronomie nouvelle. On trouve dans cette dernière œuvre la formulation de deux lois révolutionnaires connues sous le nom de première et seconde lois de Kepler.
Première loi : L'orbite des planètes est une ellipse dont l'un des foyers est le soleil. Seconde loi (ou loi des aires) : Le mouvement des planètes n'est pas uniforme. En s'approchant du soleil, les planètes accélèrent leur marche sur leur orbite et elles le ralentissent lorsqu'elles s'en éloignent. Mais cette variation ne se fait pas n'importe comment : la droite joignant le soleil et la planète (ou rayon vecteur) balaye, dans sa course, des aires égales en des temps égaux. Troisième loi : Considérons une planète qui décrit une orbite circulaire de rayon R et de période T (la durée d'un tour complet, soit une année de la planète) autour du Soleil. La troisième loi de Kepler est : T2 / R3 = constante. Ces lois signifiaient la fin des dogmes religieux vieux de milliers d'années, dogmes qui avaient formé la totalité des astronomes, Johannes Kepler aussi. Le dogme du mouvement circulaire est détruit par la première loi, le dogme du mouvement uniforme par la deuxième. Tout en anéantissant le système parfait et incorruptible de l'Univers d'Aristote, Johannes Kepler pose un système dans lequel, à défaut de décrire des arcs de cercle égaux, les planètes décrivent, selon Johannes Kepler, des aires égales en des temps égaux. Depuis des siècles, la pensée scientifique était bridée par le géocentrisme, le mouvement circulaire et le mouvement uniforme. Nicolas Copernic avait fait tomber le premier de ces verrous. Johannes Kepler eut, quant à lui, le mérite de libérer la cosmologie et plus largement la science des deux autres. Avec ses trois lois, Johannes Kepler décrivit la cinématique du système solaire, mais non sa dynamique. Bien qu'il ait décrit avec précision le mouvement des planètes, il l'attribuait à une force magnétique provenant du soleil. L'explication physique du mouvement des planètes sera l'œuvre du physicien Isaac Newton, né en 1642, soit l'année de la mort de Galileo Galilei. Isaac Newton (1642 – 1727 ) fils de fermier est admis à la Royal Society en 1671. S'il vécut en homme replié sur lui-même et dans un grand isolement, ses intuitions créatives et profondes le rangent parmi les plus grands savants que le monde ait connu. La découverte de la loi de l'attraction universelle serait associée à l'image de la pomme. Histoire vraie ou histoire fausse, elle n'en fait pas moins partie de la légende du personnage. L'histoire de la pomme et de la gravitation universelle vue par Marcel Gotlib, dessinateur humoristique, dans sa Rubrique-à-brac. (cité par Pour la science, "Newton. L'horloger du monde", n°17, novembre 2003, février 2004). C'est sans aucun doute à Edmund Halley (1656 - 1742) que nous devons les lois de Newton, publiées dans le volumineux Philosophae Naturalis Principia Mathematica. En effet, Edmund Halley engagé dans un concours dont le prix était un précieux livre, avait demandé à Isaac Newton de l'aider à répondre à la question posée qui était : quelle serait l'orbite des planètes si l'on supposait la force d'attraction vers le soleil inversement proportionnelle au carré de la distance ? Isaac Newton lui aurait alors répondu avoir déjà trouvé la réponse et lui aurait effectivement envoyé. Devenu ami inconditionnel de Isaac Newton, Edmund Halley allait faire éditer l'œuvre de Newton en 1687. À l'aide des principes inventés, Isaac Newton élucide enfin les mystérieuses lois de Johannes Kepler, mais aussi la cause des marées et la précession des équinoxes. De plus, ses idées ouvrent la voie à de nouveaux champs d'investigation et permettent de prévoir de nombreux phénomènes à savoir en particulier la trajectoire des comètes qui obéit aux lois de la gravitation universelle. D'une lecture complexe, les Principia ne furent édités qu'en 250 exemplaires, exemplaires diffusés grâce à la vulgarisation entreprise par Edmund Halley. Difficulté de l'écriture et nouveaux concepts, aussi paradoxal que cela puisse paraître, contribuèrent pour beaucoup au succès des idées. En effet, si une majorité ne comprenait pas les Principia, le peu qui étaient en mesure de les analyser dire de cette œuvre qu'elle était exceptionnelle. Il devint alors de bon ton dans les salons de faire semblant de les avoir lus et de les avoir compris. La prédiction du retour de la comète de Halley en 1758, établie grâce aux observations de Edmund Halley et des lois de Isaac Newton, allait définitivement asseoir le système héliocentrique que nous connaissons aujourd'hui.
Les Lois de Newton : "Newton construit une nouvelle mécanique autour de quatre lois. Première loi : tout corps persévère dans son état de repos ou de mouvement rectiligne uniforme aussi longtemps que des forces extérieures ne le contraignent à en changer. En d'autres termes, sa première loi est le principe d'inertie. Deuxième loi : Le changement de mouvement est proportionnel à la force motrice et s'effectue suivant la droite par laquelle cette force est imprimée. Connue parfois sous le nom de principe fondamental, elle établit une proportionnalité entre la force et l'accélération, et non entre la force et la vitesse. Troisième loi : À toute action, correspond une réaction. Action et réaction sont semblables en tout sauf en ce qui concerne leurs sens et leurs points d'application. Quatrième loi : C'est la gravitation universelle, loi qui régit les mouvements des corps célestes en exprimant que toute matière est centre d'attraction et se résume par la relation : F = GMm/R² avec : G = constante universelle; M et m = masses de chaque astre; R = distance entre les deux corps." D'après Simaan A. & Fontaine J., L'Image du monde. Des Babyloniens à Newton, Paris, Adapt éditions, 1999, 2ème édition, p.194. |